LA RAYE, emblème de La Baume Cornillane

Article de Jean-Claude Levavasseur publié dans le bulletin municipal de La Baume Cornillane (Juillet 2017)


Si les ruines du château sont l’emblème de La BaumeCornillane sur le plan historique et architectural, La Raye  l’est  tout autant  du point de vue « nature ».
La Raye, ce contrefort ou  piémont du Vercors, couvre un peu moins de mille hectares sur les mille cinq cents de la commune. Partant d’environ 300 mètres d’altitude, elle dépasse 1000 mètres à son sommet, coiffée  de ce qu’on appelle « le pylône » et qui n’est autre qu’une antenne de transmission pour plusieurs réseaux.

C’est aussi  une forêt constituée d’une myriade de parcelles privées appartenant à des familles de la commune ou de la région. En effet, il était bien pratique d’avoir quelques hectares de bois pour pouvoir alimenter la cheminée de la maison ou bien être propriétaire d’une parcelle pour avoir un droit de chasse sur la commune.  Il suffit de consulter le cadastre pour vérifier cette diversité.

C’est  aussi le poumon vert du secteur et le refuge  de la faune sauvage.
Cette forêt, plantée essentiellement de hêtres ou  fayards  accompagnés d’une sous-couche de buis  et de résineux est d’une grande importance  en matière de biodiversité, face aux risques liés au changement climatique. Les fruits de ces arbres, les faînes sont  appréciés de nombreux animaux, et en particulier des écureuils, oiseaux, rongeurs, blaireaux et sangliers.
Notre commune partage trois zones naturelles classées en ZNIEFF  (zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique) avec les communes voisines :
Les Znieff de type 1 sont des « secteurs de grand intérêt  biologique ou écologique »
Les Znieff de type 2 sont « des grands ensembles naturels riches et peu modifiés, offrant des potentialités biologiques importantes »

-Chainons occidentaux du Vercors (ZNIEFF continentale de type 2)
Cette vaste zone  commence  au nord dans le Royans et se termine au sud à Crest. Elle couvre près de 30.000 hectares  dont une grande partie de  la Raye.
-Rocher de l’Aigle, Vallée de Lesperi et Plateau de Savel  (ZNIEFF de type 1)
Cette zone de 1335 hectares, se répartit sur quatre communes : La Baume Cornillane , Combovin,Gigors-et-Lozeron et Ourches .
-Pas du Pont et vallons alentours (ZNIEFF de type 1)
Zone de 252 hectares située sur les communes de Barcelonne, LA Baume Cornillane, Montmeyran et Monvendre.

Extrait du commentaire des trois  fiches  concernant ces secteurs (issues de l’Inventaire National du Patrimoine Naturel en collaboration avec le Muséum national d’Histoire naturelle) :
« Les vallons de La Baume Cornillane drainent les eaux pures des contreforts du Vercors. Le versant marno-calcaire du massif de la Raye donne naissance à de nombreux ruisseaux : Bionne, ruisseau de Tisserand, Ecoutay. Au Pas du Pont , ils traversent des cluses rocheuses avant de se tailler d’étroits vallons encaissés dans les sables molassiques. L’ensemble forme une mosaïque de milieux naturels diversifiés et de petites parcelles agricoles. Les vallons sont boisés de taillis humides à Frênes, alors que les coteaux sont plus arides…. »
« Le secteur décrit intègre les contreforts les plus occidentaux du Vercors …La richesse biologique…est globalement remarquable du fait de la juxtaposition d’éléments de faune et de flore d’influences  méditerranéenne,…médio-européenne, montagnarde et même alpine… »
Ce travail d’analyse a permis de mettre en évidence la richesse naturelle de notre commune et son importance en matière de biodiversité.
Ainsi, des espèces végétales, comme des orchidées sauvages ont été recensées et sont maintenant protégées. Il en est de même pour des espèces animales comme des papillons ou des écrevisses.
Les changements climatiques prévisibles, dont le réchauffement  est un des principaux symptômes, font que l’agriculture  et la forêt deviennent des  enjeux majeurs. C’est pourquoi  la Raye doit être  préservée.

Nous subissons  la  catastrophe de  la destruction des buis par la pyrale qui, en quelques années  a endommagé gravement  les buis jusqu’à environ 1000 mètres d’altitude et peut-être plus. La conséquence est la destruction du couvert sous les grands arbres, qui accélère le ravinement des sols par les pluies  de plus en plus violentes.
Le réchauffement va engendrer la disparition de certaines espèces végétales  au profit, probablement, d’espèces plus résistantes  à la chaleur. Notre bon vieux fayard pourrait être en danger et la Raye ne serait plus la Raye sans lui.
Des  chasseurs émettent l’hypothèse (non vérifiée) que les sangliers quittent certains secteurs parce qu’ils ne trouvent plus dans les forêts les massifs de buis qui leur assuraient une protection.

Enfin, il faut  regarder la Raye comme un lieu historique. Les combattants de la Résistance y ont trouvé refuge. D’autres que moi sont plus à même d’en parler.
On peut aussi évoquer un sujet tombé dans l’oubli : Les travailleurs indochinois.
Déjà, durant la 1ere Guerre Mondiale, des travailleurs coloniaux au nombre de 200.000, sont sollicités pour rejoindre  la métropole à la suite du raisonnement : les métropolitains sont au front, donc il faut de la main d’œuvre pour assurer la production à l’arrière.
Au début  de la 2eme Guerre Mondiale , on fit venir 20.000 Indochinois,  qui,  une fois la France vaincue,  auraient dû rentrer chez eux. Malheureusement seuls quelques milles purent embarquer car la flotte anglaise barrait  la route du canal de Suez.
Seuls 4400 travailleurs vietnamiens pourront embarquer en 1941.
Les malheureux restés en France, paysans pour la plupart,  furent réquisitionnés par l’occupant allemand qui les mit au travail forcé. Certains furent affectés au bucheronnage dans quelques régions boisées de France. C’est ainsi que des Indochinois vinrent couper des arbres dans la Raye.
Aujourd’hui, on distingue encore la trace de leur travail : une ligne horizontale proche du sommet de la Raye qui, à travers la végétation, sépare la  forêt restée indemne de la forêt qui fût abattue. Les arbres n’ayant pas la même hauteur ni la même densité, cette  ligne de partage reste  visible.
Parmi ces travailleurs indochinois, une minorité, encadrants et interprètes,  était volontaire. Passés par l’école de la République, ils étaient éduqués et surtout bilingues.
Dans les usines et les fermes, certains rencontreront des femmes françaises,  fonderont des familles et resteront en France. Ainsi, en 1946, 100 mariages seront prononcés et une centaine d’enfants naîtront. Les spécialistes estiment qu’un millier de ces Vietnamiens  fit souche.
La gloire de ces hommes fut leur travail en Camargue, que l’on ne peut passer sous silence. En effet les Français avaient tenté d’y cultiver le riz au 19eme siècle, mais avec peu de succès. C’est en 1941, grâce à une poignée de travailleurs vietnamiens que le riz de Camargue renaît.
Entre 1941 et 1945, 1250 tonnes de riz seront produites pour arriver à 75.000 tonnes de riz blanc ces dernières années, et,  en 2009, le maire d’Arles a rendu hommage à ces travailleurs indochinois  qui ont relancé cette culture tout en vivant  dans des conditions très difficiles.

C’est ainsi que la Raye reste dans la mémoire collective du Valentinois comme un lieu emblématique.

Pour en savoir plus, consulter les sites suivants :
-https://inpn.mnhn.fr
-cadastre.gouv.fr
-camargue-insolite.com
-Anai-asso.org
-Drome.gouv.fr
-legifrance.gouv.fr  (code de l’environnement)
-travailleurs-indochinois.org


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